Mon Amérique à moi : Sébastien Piazza

Mon Amérique à moi : Sébastien Piazza

Actualités

17 janvier 2018

Journaliste au sein de la rédaction du quotidien Paris-Turf, Sébastien Piazza est spécialiste des courses au trot. C’est notamment lui qui anime la célèbre rubrique « Matthieu Abrivard sort de sa boîte ». Dans le cadre de notre volet « Mon Amérique à moi », il livre son expertise et se remémore ses plus beaux souvenirs de Grand Prix d’Amérique.

Sébastien, quel est votre plus beau souvenir dans le Grand Prix d’Amérique, sportivement et émotionnellement parlant ?
« Incontestablement, la chevauchée fantastique de Sea Cove, en 1994. Cette année-là, Jos Verbeeck est entré dans la légende. Pour toujours. Si son cheval était très fort, c’est lui qui gagne la course… A partir de là, on l’a surnommé le diable Belge. Tenter un tel pari dans une épreuve aussi prestigieuse, c’était quelque chose ! D’ailleurs, s’il n’avait pas pris ses distances sur le reste du peloton dans la partie montante du parcours, peut-être ne l’aurait-il pas gagné, ce Prix d’Amérique. Là, beaucoup de gens ont vraiment pris conscience de la notion de pilote, Jos Verbeeck donnant une véritable leçon de drive. Résonnent encore dans ma tête les acclamations du public, les commentaires de Bruno Diehl et d’Olivier Thomas, sur Antenne 2. J’étais dans le Sud et, âgé d’une dizaine d’années, je n’avais pas pu accompagner mon papa, présent à Vincennes, ce jour-là. Moi, j’étais scotché devant mon écran de télévision. Ça m’a marqué, me disant qu’à mon tour, un jour, j’aimerais vivre – sur place – ce genre d’émotions. »

Quel regard portez sur l’édition 2018 du Grand Prix d’Amérique ?
« Elle est relevée, beaucoup plus homogène que les années précédentes, il me semble. C’est d’ailleurs ce qui la rend passionnante. Ils sont une bonne dizaine à pouvoir terminer dans le quinté. Le parcours sera déterminant. On sait que cette épreuve ne se gagne pas forcément au départ, mais c’est là qu’elle peut se perdre. Ceux qui auront l’avantage de la corde seront probablement avantagés, j’imagine. La coalition étrangère est redoutable, ce qui n’était pas forcément toujours le cas depuis Maharajah. Propulsion et Readly Express m’ont plu à l’occasion des épreuves qualificatives. Plus que Bold Eagle, il faut le reconnaître. »

Pensez-vous que Bold Eagle est capable de remporter un troisième championnat du monde des trotteurs d’affilée ?

« Physiquement, le cheval est toujours aussi bien, mais il a perdu sa fulgurance. Mentalement, on voit que c’est plus difficile. A ce niveau, si vous n’avez pas (ou plus) le feu sacré, c’est compliqué de rivaliser. Il vient d’être battu sans forcément donner l’impression d’aller vraiment au combat par un cheval ferré (Bird Parker) alors qu’il était allégé dans sa ferrure. Ça ne le place pas dans les meilleures dispositions, c’est sûr. Après, sur une course, si toutes les planètes sont alignées et qu’il peut se faire ramener sans faire trop d’efforts, il est capable d’enregistrer un troisième succès consécutif dans l’Amérique. Ça ferait taire (quoique…) ceux qui l’ont sans doute enterré un peu trop vite, l’important étant de savoir répondre présent le jour J. Ce qui est certain, c’est que les champions se relèvent toujours. On l’a bien vu avec Timoko… »

Quels sont vos cinq favoris pour ce 97ème Grand Prix d’Amérique ?

« Ses deux dernières années, on ne se posait pas de questions, du moins pour la victoire. On voyait Bold Eagle imbattable. Il l’était. Là, les données ne sont plus les mêmes. Pour le voir faire aussi bien qu’Uranie, Roquépine, Bellino II et Ourasi, il faudra que son driver prenne des risques. Aller devant à surprise générale ? Pourquoi pas… Courir battu en espérant trouver l’ouverture providentielle ? On connaît le sang froid de son driver. Je vais quand même faire de lui mon favori, même si je crains énormément Propulsion. Il m’a enthousiasmé dans le « Bourgogne ». Pour moi, c’est la « B » la plus révélatrice. Je le vois dans les trois premiers, comme Readly Express. Ensuite ? C’est plus compliqué. Bird Parker est meilleur que jamais. Il est plus franc au démarrage. Ça lui change la vie… Je me méfie aussi de Bélina Josselyn. Elle sera pieds nus et « JMB » est sûr de son coup. Voilà, ça fait cinq (rires), même si j’ajouterais Billie de Montfort. C’est une redoutable pisteuse, et je la vois bien créer la surprise. »

Qu’est-ce qui fait selon vous que le Grand Prix d’Amérique est la course au trot la plus populaire au monde ?
« Cette course est mythique parce qu’elle se dispute dans le temple du Trot. J’ai eu la chance d’aller à l’étranger, notamment en Suède et, honnêtement, je n’ai jamais ressenti une telle ambiance, là-bas. A Solvalla, à l’occasion du week-end de l’Elitloppet, on se croirait dans un stade de football. Le problème, c’est que les courses, en Scandinavie, ne sont pas forcément hyper-passionnantes. Les virages sont très relevés, les numéros derrière l’autostart déterminants et, sur des pistes de 1.000 mètres, il ne se passe pas forcément beaucoup de choses durant le parcours. Dans le Grand Prix d’Amérique, tout peut arriver. Le départ à la volte est primordial, la partie descendante pas toujours très facile à négocier… Il ne faut pas brûler trop de cartouches en montant, afin de garder suffisamment de ressources pour aller au poteau. Les vrais champions se révèlent forcément, à Vincennes. Ici, on sait que le meilleur peut gagner. La force du Trot, c’est de suivre des chevaux qui font carrière de 2 à 10 ans. Les turfistes aiment ça. Si Bold Eagle est populaire, c’est parce que les gens le connaissent par cœur, qu’il a marqué les esprits en remportant, l’hiver dernier, la Triple Couronne, que son entourage joue le jeu avec les médias et qu’il est suivi sur les réseaux sociaux. »