Le Prix d’Amérique Legend Race, disputé ce dimanche à Paris-Vincennes, sera le théâtre d’un duel palpitant entre Face Time Bourbon, champion du monde en titre, et son dauphin Davidson du Pont, en quête de revanche. Ce n’est pas la première fois, dans la course au trot la plus convoitée à l’échelle planétaire, que deux antagonistes sortent du lot, loin s’en faut. Et les connaisseurs de la chose hippique savent qu’il est hasardeux de résumer une course à un match entre deux trotteurs… Mais force est d’admettre que certains combats ont marqué leur époque, avant d’entrer dans la postérité. Nous avons sélectionné, depuis le début des années 1980, quatre rivalités au sommet dans le Prix d’Amérique Legend Race. Deuxième volet dédié à la confrontation entre Général du Pommeau et Varenne, alors que l’on vient tout juste d’entrer dans le XXIème siècle.
30 janvier 2000. 79ème Prix d’Amérique Legend Race de l’histoire. Issu de la glorieuse génération des « G », Général du Pommeau sort d’une année de 5 ans impressionnante, avec onze succès à la clé, dont quatre au plus haut niveau : le Prix René Ballière, le Critérium des 5 Ans, le Grand Prix d’Aby et le Championnat européen des 5 Ans. A l’exception du Critérium des 3 Ans, tous les autres Critériums de sa promotion sont tombés dans son escarcelle. Contraint de rendre la distance dans le Prix du Bourbonnais Qualif#2 puis le Prix de Belgique Qualif#6, dont il se classe 4ème, Général du Pommeau cache son jeu et se préserve en vue de son grand objectif. Les turfistes en sont convaincus et l’installent favori, à 14/10.
Né en France et élevé par Jean-Pierre Dubois, avant d’intégrer les boxes de Jori Turja en Italie, Varenne est dans une forme exceptionnelle. Le bilan de son année 1999 est parfait : quatorze apparitions pour autant de succès, s’offrant le scalp de Moni Maker dans le Grand Prix des Nations avant une incursion remarquée au lendemain de Noël, à Paris-Vincennes, dans le Prix Ariste Hémard, où il donne la leçon aux Hulk des Champs, Hugo du Bossis, Himo Josselyn et autre Hand du Vivier. Boulimique de victoires, Varenne a l’Amérique dans le viseur et constitue l’opposition directe, avec l’aguerri Remington Crown (3/1 chacun).
Mais coup de tonnerre dès le départ. Si Général du Pommeau et Remington Crown intègrent rapidement la pointe du peloton, il n’en va pas de même pour Varenne, qui rate sa mise en jambe et douche (temporairement) les espoirs des tifosi. D’autant que dans la descente, le rythme accélère sous l’impulsion d’un First de Retz déchaîné qui vient relayer Remington Crown en tête. Dans la plaine Varenne, voyage en épaisseur puis fait parler son puissant jeu de jambes dans la montée pour ravir, à l’intersection des pistes, les commandes de l’épreuve à First de Retz. « Général », qui n’a rien fait du parcours, sort du dos de Galopin du Ravary, et passe la surmultipliée.
Le match tant attendu a lieu tout au long du dernier tournant. Varenne tient la tête et la corde mais le partenaire de Giampaolo Minnucci a déjà les oreilles débouchées et accuse des signes de lassitude. Au sulky de son champion, « p’tit Jules », la force tranquille, prend la mesure du prodige italien. Puis le « Général aux pieds nus » prend son envol, dans une ligne droite d’anthologie, foudroyant Il Capitano (dominé sur la fin par Galopin du Ravary) pour s’en aller battre le record de la course. Jules Lepennetier lève la main au ciel, avant de caresser la croupe du nouveau champion du monde.
Battu dans le Prix d’Amérique Legend Race, Varenne ne tarde pas à retrouver le chemin des filets. Et même si Général du Pommeau (2ème) précède Varenne (5ème) dans l’Elitloppet 2000, c’est bien son cadet qui a pris le pouvoir, ce qu’il confirmera lors des Prix d’Amérique Legend Race 2001 et 2002, s’imposant à chaque fois à la manière des forts. Il Capitano raflera tout ou presque sur son passage, enlevant – fait exceptionnel – deux années de suite la Triple Couronne européenne (Prix d’Amérique Legend Race, Grand Prix de la Loterie et Elitloppet), terminant sa carrière de course à l’automne de ses 7 ans avec 68 victoires et plus de 6 millions d’euros de gains (record du monde). Encouragé par son fan-club, Général du Pommeau continuera quant à lui à donner le meilleur de lui-même jusqu’à ses dix ans et peut se targuer, en cinq tentatives dans l’Amérique, d’avoir toujours fait l’arrivée.